mercredi 6 février 2013

Deux ? C'est deux de trop

L'automne dernier, j'ai été conviée par le secrétaire d'une association pour une réunion, celle de "la commission des gâteaux". Gloup... et je n'ai pu éviter de me "réunir" et de perdre mon temps. N'aurait-il pas été possible de régler le problème du buffet en quelques échanges de mails, pour tout dire, en deux coups de cuiller à pot ? Non.

"Alphonsine, reste détendue, prends les choses avec philosophie, et tu en tireras des conséquences sociologiques dont tu n'imaginais même pas l'existence". Soit, je ferai contre mauvaise fortune bon coeur.

Je suis rentrée atterrée, démoralisée, et Monsieur Alphonse qui était de garde n'était même pas là pour me consoler. 

Oh, ce n'était pas la réunion en tant que telle, ni son titre ronflant et plomplon qui m'ont donné le coup de grâce, c'étaient les deux mères présentes.

La première, celle du fils qui nous accueillait, en fait c'était elle qui nous accueillait, elle nous a bien fait comprendre que c'était chez elle, mais le fils aussi était chez lui, alors, pour montrer qu'il commandait, il a ordonné à sa maman de rester avec nous...

La deuxième, femme d'une soixantaine d'années, pomponnée, fardée, tirée à quatre épingles, est arrivée en fanfare, accompagnée par son discret mari et de sa fille fantôme. Avez-vous déjà vu une fille fantôme ? Je vais essayer de décrire la fille fantôme, mais c'est vraiment difficile, je fais appel à toute votre sagacité.

Une fille fantôme, c'est un être de sexe féminin, presque invisible, qui évolue dans l'ombre de sa maman. Elle dit gentiment "bonjour madame", fait la bise quand il faut, puis se fait si discrète qu'elle disparaît comme par enchantement. C'est tout juste si on pense à lui avancer une chaise. Elle ne répond que si on l'interroge, n'a pas d'opinion autre que celle de sa maman, et si par impossible, elle s'avise d'avoir une idée, elle la susurre pour faire croire que l'idée vient de sa maman (si l'idée est bonne). Dans le cas contraire, sa maman lui jette un regard noir et scandalisé qui fait disparaître une nouvelle fois la fille.

Spectaculaire, incroyable, mais triste à mourir, surtout quand la mère assène "Mes deux filles restent encore un peu avec moi à la maison", ou qu'elle échange manu militari, sans lui demander son avis, les assiettes de gâteau parce qu'elle voulait une part plus petite.

Voilà pour la deuxième mère.

La première est la même et pourtant toute autre. Elle rappelle qu'elle va nous laisser réunioner en paix, et fait mine de sortir, mais c'est pour que son fils lui dise "mais non, reste donc". Sans se faire prier, elle saisit une chaise et s'installe confortablement. 

C'est la même aussi qui est venue me voir (nous avions proposé à son fils de nous accompagner à un concert, et nous avons été obligés de marcher vite 1/2 heure aller, puis 1/2 heure retour dans le vent et la pluie) pour me dire "Il est rentré malade". J'ai eu une réponse fantastique : "Ah". Pas le "ah" interrogatif, ni le "ah" insouciant, non, le "ah" de la personne qui comprend bien le problème mais se fout éperdument des conséquences, ou plutôt, qui prend acte de la situation. Je lui ai fait un sourire, et je suis partie !

Précision : le fils a 46 ans, la fille approche des 35 !
Autre précision : inutile de penser rapprocher les deux, c'est parfaitement impossible, cela n'entre pas dans les voies des mamans respectives. Et les deux enfants sont bien trop soumis.

J'ai été retournée. Oh, je n'ignore pas qu'il existe trop, beaucoup trop de mères possessives, mais en voir deux d'un coup, c'est insurmontable. Elles ont d'ailleurs toutes un point commun : un mari adorable, discret, un peu fantôme lui aussi, qui jardine merveilleusement, et surtout longuement ! Quelle détresse, que de vies gâchées pour des vieilles femmes égoïstes. Je ne trouve pas de mot assez dur pour les qualifier.






10 commentaires:

  1. J'adore la chute ... Je me suis demandé tout au long du texte quel(s) âge(s) pouvai(en)t bien avoir ces enfants aux mères si possessives!
    Je n'e connais pas beaucoup, mais ton texte me rappelle une anecdote du début de ma carrière - de maman et de prof- Nous partagions souvent avec une collègue ( et tu vas rire : prof d'art plastiques )nos tracas et nos fiertés de mamans.
    Au bout de trois mois j'ai compris que les siens de petits avaient ...
    Mon âge !
    Alors que le mien n'avait que 6 mois !

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  2. Extra ta description qui fait froid dans le dos. C'est mon angoisse, être une mère trop possessive qui ne laisse pas les enfants s'envoler. Mais j'y travaille...
    Tu as de drôles de fréquentations Alphonsine!

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  3. Il n'y a pas que les mamans possessives, il existe aussi des pères... ceux qui empêchent leurs filles de vivre... Où tu vas ? tu as vu qui ? Le ton dans les questions qui en dit plus long que la question par elle-même et la suspiscion dans le regard qui dit tout... J'ai fui mes parents... Et moi, quelle mère suis-je ?

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  4. Jusqu'à ce que je lise l'âge des enfants, je ne comprenais pas bien le pourquoi de ce billet... ^^
    J'ai connu quelqu'un, comme ça, qui a attendu la mort de sa mère pour commencer à vivre, c'est terrible.

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  5. Ton post me chamboule complètement. En effet, je ne me reconnais que trop en "fille fantôme", même si j'ai beaucoup évolué depuis la naissance de mes enfants. Pourtant mes parents ne sont pas possessifs, non. Je dirais plutôt qu'ils ont de "grosses personnalité", ce qui peut empêcher aussi de trouver sa place facilement...

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  6. Et dire que la version père existe aussi ... heureux sont ceux qui ne cumulent pas !!!

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  7. J'en ai connu aussi des filles fantômes et des mères possessives. Ce que tu décris là fait froid dans le dos...

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  8. je crois qu'on a tous rencontré ces mères (et ces pères) qui étouffent leurs enfants, qui les possèdent - leur faisant payer le prix de leurs propres déséquilibres.
    j'en ai connu, de loin. et de plus près. Quelqu'un m'a dit un jour que l'on pouvait guérir de tout, même de son enfance. Et j'ose espérer que personne n'est condamné, quel que soit le fardeau...

    merci pour ton billet, si plein d'humanité.

    bises

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  9. Vraiment dommage que l'on ne puisse pas les marier, ils avaient tout pour former un couple assorti...

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  10. alors là..je reconnais dans ces mèeres ma belle mère..sauf que mon mai a tout fait pour s'échapper et elle me l'a bien fait sentir!
    comme nous avons presque 6 enfants, elle s'est presque fait une raison...et s'invite à la maison et parle à son fils comme si je n'étais là..et ouvre de temps à temps le courrier ..mais tout cela pour m'aider bien sûr!
    mais c'est ma belle mère..elle est seule et je me mets à sa place, sa vie est presque vide; elle n'a pas d'amis tant elle a tout fait pour ses 2 enfants...
    pas facile d'être parent...

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