Des voisins se font concurrence, l'un en rouge, l'autre en vert...
dimanche 31 août 2014
vendredi 29 août 2014
Un premier août original
Tout un chacun sait que le premier août est la fête nationale helvétique. Et tout suisse qui se respecte, fête ce jour avec faste, drapeaux et joie.
Fêter dans son pays est facile. Il est pavoisé de rouge à croix blanche, les magasins regorgent d'objets de toutes sortes, rouges à croix blanche. La vie entière est tournée vers le rouge à croix blanche.
Fêter hors de son pays, et qui plus est sur un voilier devient compliqué. Cette année, dans le plus grand des secrets, Monsieur Alphonse avait emporté de la décoration rouge à croix blanche. Cette année, dans le plus grand des secrets, Alphonsine avait emporté de quoi faire un gâteau au chocolat et des brioches à croix pour le petit déjeuner.
Et voilà le résultat :
Pour le gâteau, j'ai osé acheter un sachet de pâte toute prête. La recette est simplissime : "Ouvrir le sachet, verser la pâte dans un moule, enfourner".
Il y avait un four à bord, mais un four à gaz. Et là... il faut nécessairement une allumette pour l'allumer. Nous n'avions que des briquets...
Une expédition dangereuse s'est mise en place : On a mis l'annexe à l'eau, quatre personnes à l'intérieur, et ils ont ramé jusqu'à l'île. Ils ont ramassé des brindilles, et les ont mouillées sur le trajet du retour ! Finalement, nous avons enflammé un bout de ficelle, et nous avons pu faire chauffer le four.
Le résultat était très acceptable, c'est une idée à retenir...
lundi 25 août 2014
Le Moleskine (5) : La pièce de "1"
J’aime ma nouvelle vie chez
Alphonsine, particulièrement parce que j’ai l’impression de servir à quelque
chose. Une vie utile, c’est une vie dont tout le monde rêve. Une vie dont on
devient « l’indispensable », c’est une vie que je n’imaginais
vraiment pas du tout. Et c’est pourtant ce que je suis devenu :
indispensable.
Je passe la plus grande partie de
ma journée, rangé dans un sac à main. J’aime beaucoup mon espace de vie :
rangé, ordonné, avec juste le minimum vital. A ce propos, j’aimerais savoir où
est passé le tube de rouge à lèvre. Nous avions des discussions passionnantes
lui et moi. Nous nous entendions si bien. Il me racontait en détails tous les
miroirs qu’il avait déjà pu observer dans sa vie. Les grands, les larges, les
éclairés, les minuscules aussi où il pouvait à peine voir son reflet en entier,
ceux posés sur un pied comme chez l’opticien, ou ceux accrochés au pare-brise
des voitures (on les appelle des rétroviseurs, je crois), ou encore le pratique
miroir de courtoisie. Il me racontait comment il était utilisé sans miroir avec
un résultat tout à fait satisfaisant, parce qu’au fond, une femme n’a pas
besoin de miroir pour se mettre du rouge à lèvres, elle se connaît par
cœur !
J’ai donc perdu un ami qui savait
me narrer avec truculence une vie cachée que je ne connaîtrai jamais. Chacun sa
condition. Espérons qu’il reviendra bientôt me rejoindre dans le sac à main.
Entre-temps, je me suis lié
d’amitié avec le petit porte-monnaie. Il est tellement drôle. Chez lui, ce
n’est que passage : des billets s’y installent pour peu de temps, des
pièces les remplacent, des grosses et des petites. Mais chacune a son mot à
dire, son anecdote à raconter. Leurs vies sont si riches et si pleines
d’émotions.
Hier, la pièce de « 1 »
nous a bien fait rire en nous racontant sa vie chez un avare. Elle avait été
échangée contre une pièce de « 2 », et saisie par une main rapide qui
l’avait immédiatement rangée dans un porte-monnaie tellement usé qu’elle a
craint un court moment de glisser par une déchirure. Ses voisines l’ont
rassurée : « la main nous tient si fort que nous ne risquons rien,
nous ne pouvons même pas bouger ». Et de fait, elle est restée coincée
entre une pièce de « 10 » et une autre de « 20 ». C’est
ainsi qu’elles se nomment entre elles. J’avoue ne pas bien comprendre cette
mode de se nommer avec des chiffres, un joli nom serait tellement plus séant,
mais ainsi font-elles et je suis bien contraint de reprendre leur terminologie
si peu poétique.
« 1 » resta très
longtemps dans la bourse du ladre ; Parfois des doigts tintés de nicotine,
aux longs ongles sales s’introduisaient entre les pièces et dans un soupir
tinté d’un sanglot, choisissaient la monnaie et ne la lâchaient qu’avec
difficulté. Vint le jour où « 1 » se trouva seule. Elle n’en
respirait pas moins avec difficulté, serrée qu’elle était entre les parois du
porte-monnaie agrippé par l’avare.
En entendant l’orgue jouer, elle
sut qu’elle était à l’église et qu’elle allait vraisemblablement quitter ce
lieu qui sentait le vieux cuir. « Ha, ha, se réjouissait-elle, cette fois
ce sera mon tour. Le vieux n’a pas plus petit que moi à proposer ! »
Au moment de la quête, le vieux ouvrit son porte-monnaie et eut un mouvement de
protestation en voyant « 1 », seule, toute seule. Il la prit, la
reposa, la reprit, la remit à sa place, referma son porte-monnaie puis le
rouvrit. A ce moment le panier arriva devant lui. Il chuchota au garçon vêtu de
blanc qui se tenait devant lui : « Je n’ai pas de monnaie », et
il se mit à se faire de la monnaie dans le panier de quête. La pièce en rougit
de honte, mais fut soulagée de rouler au milieu de ses congénères.
« 1 » nous racontait
cet épisode délicieux en riant (elle avait oublié sa gêne et n’avait gardé de
cet événement que le côté plaisant). Quel boute-en-train. Elle roule de droite
et de gauche en tintinnabulant. Elle nous manquera lorsqu’elle nous quittera.
lundi 18 août 2014
Le Moleskine (4)
Depuis quelques jours, je suis
aux anges : quotidiennement, Alphonsine ouvre mes pages et écrit des
histoires.
Pendant qu’elle écrit avec
concentration, je l’observe. Je suis bien placé pour voir toutes ses mimiques,
et tous les sentiments qui passent sur son visage. La pauvre, la plupart du
temps, elle ne peut rester appliquée bien longtemps. On sent qu’elle se retient
de soupirer, et répond très gentiment : « Dans le deuxième tiroir de
la commode » ou « Là où tu l’as posé », « As-tu pensé à
emporter le porte-monnaie ? » … Comment peut-on écrire en laissant
une oreille glaner les bruits de la maison ?
L’autre jour, elle m’a emporté
dans la campagne. Elle a étendu une couverture sur un pré, a mis ses écouteurs,
s’est installée à plat-ventre, m’a ouvert et a fermé les yeux. « Mozart et
mon Moleskine, quelle béatitude », a-t-elle murmuré.
Puis, elle a saisi son
porte-mine, celui que j’aime tant, dont la mine est si douce et dont le contact
semble caresser mes pages. Elle a écrit d’une traite quatre pages d’affilée.
Comme elle est heureuse lorsqu’elle écrit ainsi. En général, elle écrit trois
ou quatre pages d’une traite. Mais il lui arrive aussi de me refermer après
quelques lignes, voire une page d’écriture. Aussitôt, dans un soupir, elle me
reprend, se murmure à elle-même « allez, courage ». Elle tourne un
peu son crayon et trace les mots sans plus s’arrêter.
Les premières lignes me grattent
légèrement. C’est jute limite entre l’agréable et l’insupportable. Au bout de
quatre lignes, la mine s’est suffisamment émoussée pour que le contact soit
tendre. Alphonsine me protège, parce qu’elle prend toujours garde de ne plus
tourner son crayon. Elle aussi préfère écrire dans la douceur.
Rarement, je sens un léger
frottement sur mon grain, comme un doigt qui me caresserait fort. J’ai entendu
Alphonsine dire, juste avant cette friction « Où est ma gomme ? »
C’est donc qu’elle gomme un mot ou juste quelques lettres. Depuis qu’elle a
appris qu’elle pouvait acheter des gommes pour porte-mines, elle ne se sert
plus que de la gomme fixée à l’arrière du crayon. Lorsqu’elle reprend son
récit, je sens à nouveau le gratouillement de la mine acérée. Mais en fait,
elle gomme si rarement que je n’en suis pas vraiment incommodé.
jeudi 14 août 2014
Comment patienter dans les bouchons
Un exemple récent : nous avions pour projet de prendre le tunnel du Saint Gothard, ce que nous avons fait, malgré une annonce d'une heure de bouchon pour pouvoir y entrer. Pour nous occuper, comme j'étais au volant, j'ai nommé Monsieur Alphonse DJ en chef. Puis, chacun son tour demandait une musique que le DJ en chef cherchait sur son IPhone avant de l'envoyer dans la voiture.
Nous avons eu de tout : "Qui a trouvé Mirza", "Carmen", "Nina Simone", "Star Wars"... le tout en vrac, et dans l'ordre de situation dans la voiture. C'était drôle et nous avons été drôlement occupés.
Soudain, nous avons été coupés dans nos élans par une action surprenante de la voiture située devant celle qui nous précédait :
C'est incontestable, il y a des gens qui excellent dans l'art de patienter dans les bouchons. Et par la même occasion, ils font profiter les voyageurs de leurs dons...
mercredi 13 août 2014
Le Moleskine (3)
Je ne comprends pas.
Elle était si heureuse de me
recevoir, et pourtant elle m’a rangé sur son étagère, entre un agenda et un
carnet. Pourquoi donc ne me touche-t-elle plus ? Pourquoi ne se sert-elle
pas de moi ? J’étais prêt à lui offrir, avec générosité, chacune de mes
pages blanches. Par deux fois, déjà, mon cœur a battu la chamade, elle m’a
frôlée de son doigt. C’était une caresse sur ma tranche, elle m’a fait frémir.
Une fois, elle m’a même saisi, m’a ouvert et m’a feuilleté en soupirant :
« Vivement que le petit carnet soit plein pour que je puisse commencer à
écrire dans mon Moleskine ».
C’était donc ça. Elle me
délaissait par souci d’économie. J’étais un peu meurtri. Aurait-elle un petit
côté radin, ou ne serait-ce que de la parcimonie ? Quoi qu’il en soit, et
je faisais tout pour essayer de la comprendre, mais pour moi il n’y avait
qu’une seule évidence : j’étais affreusement déçu. Elle aurait pu être
moins chiche, moins ladre, et abandonner son médiocre carnet noir pour ne
penser plus qu’à moi. Quelle déception.
Ma vie allait-elle se dérouler
sur une étagère ? Rapidement encartonné après ma naissance, j’avais
surtout connu le tourniquet de la librairie. Mes frères en couleurs partaient
plus vite que moi, surtout l’orange et le bleu turquoise. Ma teinte noire me
pesait alors. J’aurais tant aimé être orange ou bleu, ou même rose ou vert.
Ma consolation avait été totale
le jour de l’anniversaire d’Alphonsine. J’avais vraiment cru à un nouveau
départ, et voilà que je croupissais à nouveau sur une étagère, encore plus
malheureux puisque je n’avais rien à dire au carnet devant moi, et encore moins
à l’agenda vieux de huit ans.
J’eus envie de me révolter. Mais
avec des pages déjà blanches, quels moyens de pression me restait-il ? Je
devais me rendre à l’évidence, me calmer et attendre patiemment le bon vouloir
de ma propriétaire.
Un jour enfin, il y eu un
remue-ménage dans la bibliothèque. Alphonsine me saisit en s’écriant : « Enfin,
je vais pouvoir me servir de mon Moleskine ». Elle me glissa dans un sac.
J’étais un peu seul dans ce grand sac, mais pas pour longtemps. Des livres me
rejoignirent, et bientôt nous fûmes très à l’étroit. Il y eut du d’Ormesson, du
Frison-Roche, Aristote et Georges Duhamel, des livres de philosophie et des
cours. Juste avant que le rabat ne se ferme, j’entendis Alphonsine clamer :
« J’ai fini mes bagages, mes livres sont prêts. Il me reste à préparer
quelques vêtements, c’est une affaire de cinq minutes ! »
Mon voyage commença et c’est sous
un magnifique soleil que je débutai ma carrière.
lundi 11 août 2014
Le Moleskine (2)
Je passe ma première nuit chez
elle avec ravissement. Elle m’a déposé sur sa table de nuit, et sa dernière
caresse a été pour moi. Sa première caresse aussi d’ailleurs, au petit matin.
Elle me regarde en souriant, et m’assure qu’elle s’occupera de moi dès que ses
enfants seront partis pour l’école.
Je suis touché, je suis ému, et j’ai
un peu peur aussi, toutes mes pensées sont dirigées vers une seule question :
avec quel outil va-t-elle tracer ses lettres, ses mots, ses lignes, ses
paragraphes sur mes feuilles ?
Lorsque je vivais encore dans le
rayonnage de la papeterie, serré entre le Moleskine orange et le Noir à
feuilles lignées, nous parlions tous ensemble le soir, lorsque la nuit était
venue. Nous nous répétions ce que nos prédécesseurs avaient entendu répéter
avant nous : nous allons être remplis d’écritures ou de dessins, ceci sur
chacune de nos pages. C’est notre destinée.
En tremblant, certains nous
racontaient que le résultat pouvait être catastrophique, et que tout dépendait
de l’engin utilisé par le propriétaire. Il existe, paraît-il des objets nommés
stylo à bille qui possèdent une mine si aigüe que le papier est littéralement
gravé sur plusieurs épaisseurs. La souffrance est intolérable. Je sentais un
frisson de terreur parcourir ma tranche.
J’aspirai à voir s’approcher de
moi une plume Sergent Major. Ce doux grattement était une félicité, et ce choix
était le seul digne de la qualité de notre papier. D’aucun diront que je double
deux défauts importants : l’orgueil et mon côté vieux jeu. Mais quel Moleskine
ne serait pas un peu vieux jeu, c’est dans sa nature d’être vieux jeu. Quant à
mon orgueil, il est inné, je connais tellement bien ma valeur, et je suis
tellement convaincu de mon importance…
On me disait d’oublier la plume
Sergent Major, trop peu de gens savent encore s’en servir. Alors peut-être connaîtrai-je
le contact avec un stylo à pointe arrondie ? Le toucher est plus agréable,
mais très vite tous les angles des pages s’arrondissent, se relèvent et se
cornent. Quel dommage alors…
J’en étais là de mes réflexions
lorsqu’elle est arrivée. Voilà, le moment est là, je vais enfin savoir… Ses mains
me saisissent, me caressent une fois encore, m’ouvrent et me feuillettent. Puis
elles choisissent la page de droite, juste après la couverture, celle qui
propose d’indiquer le nom et l’adresse. Elle hésite un court instant, et d’une
main appliquée, elle écrit son nom et son adresse. C’est ainsi que j’ai su qu’elle
s’appelait Alphonsine.
Quelle sensation curieuse.
Assurément, ce n’est pas un stylo à bille, ni à pointe dure, ni à pointe large.
La caresse est toute de douceur et de délicatesse. Je l’entends chuchoter :
« J’ai bien fait de choisir une mine HB pour mon porte-mine. C’est
exactement ce qu’il faut ».
Je serai respecté, quel
ravissement…
samedi 9 août 2014
Le Moleskine (1)
Je suis à elle totalement,
pleinement, je m’ouvre et m’offre sans retenue, plein de confiance. Je l’ai
rencontrée le soir de son anniversaire. Elle était assise assez loin de moi. Là
où je me trouvais, j’avais du mal à la voir. Elle venait de souffler ses
bougies disposées sur un bavarois aux fraises. C’est alors que ses mains fines
m’ont saisi, m’ont palpé, caressé, puis on dénoué le nœud et défait le papier
qui m’enserrait étroitement.
Enfin, j’étais dans ses mains.
J’avais tant attendu ce moment. Jusque là, j’avais toujours été pris avec
rudesse, avec brusquerie. La seule fois où j’avais senti une telle caresse,
avait été le jour où j’avais été soulevé puis reposé dans un soupir.
Je rêvais de telles mains. Et ce
soir-là, lorsque j’ai senti ses doigts glisser sur mon corps et me caresser
avec tendresse, j’ai immédiatement su que c’était « elle ». Je l’ai
reconnue à ses mains. Elle m’a regardé avec des yeux attendris et émerveillés,
a approché son joli nez court pour me renifler, et a prononcé dans un soupir
suave : « Comme tu sens bon ».
Elle a ensuite défait l’élastique
qui retenait mes pages, elle a rabattu la couverture noire qui les protège, et
elle a eu le souffle coupé en caressant mes pages : « Le grain est
magnifique ».
Ce n’est qu’à ce moment qu’elle
me reposa un court instant pour remercier son mari : "Un Moleskine,
je suis comblée..."
jeudi 7 août 2014
Savoir-Faire
Comment faire ?
L'année dernière, une amie qui habite l'autre bout du village, m'a proposé ses deux fauteuils déjà un peu usés, mais si confortables... J'ai sauté sur l'occasion, puisque nous avions libéré notre maison de ses fauteuils pour les emporter dans notre nouveau domicile.
Restait le problème de la livraison. Monsieur Alphonse était absent, les enfants pas du tout motivés, PAS DU TOUT, devrais-je dire. Et puis, d'un coup, ils étaient tous partants pour s'occuper du transport des fauteuils.
J'ai amarré la remorque à la voiture, j'y ai installé les enfants prêts à l'aventure, et nous sommes arrivés chez nos amis. Un fauteuil, deux fauteuils, tout a été installé selon mes instructions pour en faire "le dernier salon où l'on cause".
Et hop, j'ai fait deux tours dans le village pour récompenser mes vaillants porteurs !
Il y a étrangement des tâches plus agréables que d'autres !
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