J'ai sauté le pas, je me suis proposée pour faire du caté dans ma paroisse. En pratique, le canton de Fribourg étant catholique, la religion est enseignée à l'école (comme en Alsace). Tout le monde est inscrit d'office, sauf dérogation demandée par les parents aux inspections des écoles.
Au résultat, on obtient des classes à motivation variée, mais finalement, la motivation n'importe pas, on peut devoir faire des maths et les faire très bien sans être motivé.
Mercredi dernier, j'ai fait connaissance avec ma première classe. Des élèves de 3P (CE1), un tout petit groupe de 9, bavards mais agréables. La séance s'est passée comme dans un charme, et j'ai eu hâte de découvrir les deux classes de 5P (CM2) du vendredi. Las, si j'avais su...
Deux ans de plus, c'est un changement phénoménal. Ils étaient stoïquement insupportables. J'en étais saisie, bouche bée, et presque incapable de mener une conversation jusqu'au bout de son raisonnement. Ils ont cent mille choses à dire, de préférence totalement ineptes, sans intérêt, et largement hors sujet en s'interrompant sempiternellement.
J'ai réussi plus ou moins à dominer la classe du matin, 14 élèves. J'ai dû faire preuve d'imagination pour pallier au manque de matériel : classeurs, fiches à faire remplir par les parents. On m'avait dit de prévoir pour 8 à 10 élèves. J'ai arrangé les choses comme j'ai pu, j'ai bricolé pour faire du remplissage, et je les ai prévenus que la semaine suivante ils n'auraient plus le droit de parler, que je ne les interrogerai même pas s'ils levaient la main. Ils écouteront religieusement mes explications, puis je proposerai un temps de questions. Je suis rentrée déjeuner un peu secouée.
Heureusement, il y a eu le groupe de l'après-midi. 15 élèves. 3 filles timides, 2 bavardes tranquilles, 1 bavarde qui, lorsqu'elle ne discute pas avec sa voisine, lève la main impétueusement pour raconter sa vie (ou celle des autres), 1 meneuse bavarde, bravade, sans pitié pour moi. Côté garçons, à part deux mignons qui savent tout, les autres sont bavards, bruyants, taquins, et sans pitié pour moi.
J'étais largement désemparée, parce que s'il m'a manqué des feuilles le matin, je n'en avais plus l'après-midi. Pas plus que des classeurs qu'ils auraient pu illustrer. Le programme que je m'étais fixé est tombé à l'eau, celui qu'on m'avait proposé ne me correspondait pas, je me suis ennuyée, les enfants aussi. L'affaire tournait mal quand la meneuse a cru que je voulais les ramener en classe avant l'heure. Vite, elle s'est tournée vers ses camarades et leur a intimé l'ordre de se taire : "La prof va tout raconter à la maîtresse, et elle va nous passer un savon. Vous avez envie, vous, de l'entendre crier pendant une demie-heure ? Moi pas. Alors même si on s'ennuie, je vous demande de vous calmer".
Vlan.
On apprend l'humilité. On se dit que rien ne vaut l'expérience, qu'elle commence ici, et que la leçon numéro un consiste à toujours prévoir un plan B. Soit. J'ai bricolé les 10 minutes restantes, assez bien puisque le calme s'était fait.
En sortant, j'ai avisé la meneuse et lui ai demandé sa collaboration : "Tu les fais tenir tranquille, et moi je te promets que tu ne t'embêteras plus au cours de caté." Elle m'a donné son accord.
J'ai préparé mon cours de la semaine prochaine. Ils ne s'embêteront pas. Moi non plus d'ailleurs.